Quand je serai grand …
Quand je serai grand, je serai développeur !
Un peu d’histoire
Voilà, en résumé, ce que je me dis depuis que j’ai 9 ans … Alors oui, plus jeune encore, je suis passé par la case cuisinier (je suis un gourmand) mais très vite je me suis orienté vers l’informatique.
Pour être honnête, à cet âge là, c’est surtout les jeux vidéos qui m’intéressaient et mes stars étaient des journalistes testeurs des magazines Joypad et Joystick (pour les plus jeunes : les youtubeurs de l’époque quoi ! ).
Très vite je me suis rendu compte que dans journaliste / testeur il y a “journaliste” et que ce n’était pas fait pour moi ! Alors j’ai commencé à développer, d’abord sur ce qu’il y avait à l’époque : MO5, TO5, Commodore, Amstrad, … puis à étudier (DUT / école de d’ingénieur) en continuant avec des vraies machines (SX286, 386, 486, DX, Pentium, …) et des vrais langages (C, C++, DBase, HTML, JS, Java, …) et enfin, fraîchement diplômé, j’en ai fait mon métier en 1999 en tant que développeur Java en SS2I puis en start-up !
Alors oui, on était loin des jeux vidéos, mais je développais ! Et oui, vous avez bien lu : j’ai commencé ma vie professionnelle en 1999, j’ai donc 20 ans d’expérience et 45 ans !
Et c’est de là que tout part, un constat à la moitié de ma vie professionnelle : je ne suis plus développeur alors que j’adore ça, mais pourquoi ?
J’avoue avoir longtemps hésité à écrire ce billet : ne vais-je pas passer pour un Caliméro ? qu’est-ce que je risque à écrire publiquement ma psychanalyse ? De ce que j’ai pu lire et entendre dire, je ne suis pas le seul à traverser cette remise en question. Je profite donc d’avoir mon propre espace pour écrire un article sur ce thème et exprimer mon ressenti.
Les années développeur
Pourtant tout commençait bien : des sociétés et projets intéressants, des rencontres enrichissantes avec des développeurs pointus et humbles qui m’apprenaient une quantité faramineuse de choses et, en prime, un super salaire (explosion de la bulle internet des années 2000 et vie à Paris), bref l’éclate au quotidien en codant !
J’en profite pour faire un aparté sur l’humilité des personnes que j’ai croisées à l’époque : je sortais fraîchement de l’école et ces personnes ont eu la gentillesse, malgré leur niveau largement supérieur au mien, de m’expliquer et de transmettre leur savoir tout en pardonnant les erreurs de jeunesse que j’ai pu faire. Partage et empathie : des notions qui me sont chères aujourd’hui et que l’on trouve de moins en moins dans le milieu professionnel selon moi.
Ca dure 5 ans, puis, n’étant pas un parisien de souche, l’envie de revenir dans la région étudiante et plus particulièrement la belle ville de Tours se fait de plus en plus sentir. Je saute le pas et reviens donc à Tours dans une société d’édition de logiciel comme expert Java / J2E (on disait comme ça à l’époque ).
Si vous avez bien suivi, j’ai alors 30 ans et le dev est ma principale activité. Mais avec l’âge et l’expérience, on commence à me demander plus de choses et plus de responsabilités. Pas de problème ! C’est le jeu, et si en plus cela permet de distiller de la connaissance que j’ai acquise, on est bien dans les principes qui m’animent.
Le début de la fin
Eh oui on se doute bien qu’il y a un truc qui va changer, sinon pourquoi faire un article ?
Avec l’âge et l’expérience qui augmentent, vient la question de la juste rémunération. N’étant plus un développeur junior, je pense (et j’espère que c’est vrai) avoir acquis un bon niveau d’expertise dans le développement (Java pour ma part). Comme souvent, les demandes d’augmentations sont liées à une augmentation de responsabilités. Cela ne me pose pas problème : ok !
Prenons un peu de temps sur cette étape: est-ce vraiment normal que le salaire soit conditionné aux responsabilités ? Ne peut il pas aussi tout simplement l’être à la compétence ?
Je vais faire l’analogie avec un artisan : n’est-ce pas normal de rétribuer un ébéniste qui va me faire la même pièce mais plus vite, de meilleure qualité et plus robuste dans le temps ? Oui cela me semble évident que pour un employeur il est normal que cet ébéniste soit payé plus cher qu’un ébéniste qui va travailler moins bien ou moins vite. Mais pour autant, si mon ébéniste est devenu très bon au fil des années, va-t-on lui demander en plus de gérer les relations fournisseurs, client, la compta, … pour justifier une augmentation de son salaire? Je ne pense pas !
Cependant il n’est pas choquant de payer plus cher cet ébéniste, qui, mécaniquement, va rapporter plus grâce à son expertise et ses compétences.
A l’époque où le plus de responsabilités rimait avec gérer une équipe, faire des specs, des réunions clients, des chiffrages financiers, … j’aurai dû sentir le truc venir ! Mais j’avais encore du temps pour développer et j’avais cette étiquette de référent technique ou tech lead - comme disent les jeunes - (ça fait toujours plaisir à l’ego ) qui permettait de me faire sentir encore développeur.
Le changement … PowerPoint à la place d’Intelliji
Tout cela commence à se gâter, lorsque vous vous rendez compte qu’à la fin de la journée vous n’avez pas lancé votre éditeur de code préféré mais simplement la suite office et plus particulièrement PowerPoint !
J’ai maintenant plus de 15 ans d’expérience et suis devenu architecte (applicatif, logiciel, technique, choisissez celui qui vous plaît le plus ). Je ne rentrerai pas dans le détail du poste d’architecte, qui varie selon l’entreprise dans laquelle on se trouve.
Le développeur, sportif de haut niveau ?
J’ai un peu l’impression d’être un sportif de haut niveau, non pas dans les performances () mais dans le fait de devoir arrêter ma passion juste parce-que je suis trop vieux. Et du coup pour rester dans le milieu, j’accepte des postes périphériques à ma passion d’origine (un peu comme coach, agent, préparateur pour les sportifs).
Ce qui est dommage, c’est que là où pour un sportif cela peut se justifier par les performances brutes par rapport à l’âge, pour un développeur je ne pense pas que cela soit le cas. Certes les jeunes poussent mais j’estime être encore capable de développer et de manière qualitative.
Redevenir sportif amateur
Pour continuer dans l’analogie du sportif, j’ai l’impression que la seule façon de coder de nouveau est de le faire “en amateur” sur mon temps personnel. Le problème est que la vie perso, quand on vieillit, est très occupée (famille, amis, …) et qu’il est de plus en plus difficile de trouver du temps (j’avoue aussi la motivation, je suis assez mauvais pour les “hello world”, je préfère les vrais projets !).
En conclusion : est-ce normal ?
Je ne pense pas que cela soit normal, dans notre métier, de devoir ne plus coder à cause de l’âge ou des prétentions salariales si les compétences sont toujours là (bien entendu il faut savoir rester raisonnable ). Lorsque l’on me demande ce que je suis, je réponds naturellement développeur puis je me ravise en disant architecte.
Je pense qu’il est possible de continuer à développer, même passé 20 ans d’expérience, et de continuer à apporter quelque chose. J’aime le développement, le clean code qui apporte quelque chose, les tests unitaires, … Je pense, qu’en ces jours où le développement par StackOverFlow se rencontre de plus en plus, comprendre ce que l’on fait et le faire par envie et passion est un réel plus.
Cela va certainement faire vieux con mais en ces périodes où un nouveau langage sort tous les 3 mois et devient le super langage qu’il faut absolument utiliser, un peu d’expérience sur des langages qui ont fait leurs preuves ne fait pas de mal.
Il y a forcément beaucoup de contre-exemples mais quand je fais le compte autour de moi, de mes amis de promo ou de collègues de mon âge, peu sont encore développeurs. La localisation de nos postes peut aussi expliquer des choses et il est possible que ce phénomène se voie moins sur Paris ou les grandes villes, je n’ai pas de chiffres. Mais là encore, par rapport à mes constations sur les différents salons (à l’époque où on pouvait y aller ), j’ai l’impression que les quarantenaires ne sont pas les plus nombreux à être 100 % développeurs !
Alors oui : il faut que les jeunes diplômés développent, nous poussent à continuer à faire de la veille et de la R&D pour ne pas s’endormir sur nos lauriers. Il faut aussi du monde pour accompagner ces jeunes et ne pas les laisser seuls avec pour seul compagnon StackOverFlow.
Il y a de la place pour tout le monde, y compris pour les vieux développeurs de … 45 ans !
Comments